Blandine Prieur Psychologue
Psychothérapies à Saint-Apollinaire (21850) près de Dijon (21000) en Côte d'Or
Dermatillomanie
La dermatillomanie vient du grec (derma = peau, tillo, = épiler, mania = manie) et toucherait entre 1,4 à 5,4% de la population générale. Il s’agit d’un trouble caractérisé par un comportement excessif de triturage sur une peau normale ou avec de légères irrégularités en surface.
Il est également possible de parler d'excoriations pour regrouper de façon plus large l'ensemble des comportements de la dermatillomanie (grattage, triturage, perçage, frottement, ..). La dermatillomanie est abordée également sous d’autres noms pour désigner ces mêmes comportements : grattage compulsif, skin-picking, skinorexie, cueillette de la peau, acné excoriée de la jeune fille, excoriation psychogène, grattage pathologique ou encore triturage incontrôlé.
Bien que, pour la majorité des gens, ces termes soient totalement inconnus, la littérature médicale a depuis longtemps observé que la dermatillomanie était un problème de santé. Un article, écrit en 1898 par L. Brocq, dermatologue français, décrit de façon très fine ce trouble.
"Elles sont obsédées par leur affection cutanée, à laquelle elles songent pour ainsi dire constamment sans que rien puisse les en distraire. Dès qu'elles sont levées, elles se mettent devant une glace, explorent minutieusement leur visage, et avec un instrument quelconque, aiguilles, pinces, ciseaux, plus souvent encore avec leurs ongles [...] et ne cessent que lorsqu'elles sont arrivées à se mettre le visage en sang ou à s'épuiser."
"J'en ai vu qui consacraient le matin des heures entières à cette occupation, et qui, pendant la journée, portaient constamment leurs mains à leur visage, soit machinalement sans y faire attention, soit en se servant d'une glace. Le geste qui consiste à porter les mains à la figure puis à enlever avec l'ongle tout ce qui peut y faire saillie devient bientôt chez elles une absolue nécessité : elles l'accomplissent sans y penser, souvent malgré elles."
Cet extrait met ainsi en exergue les caractéristiques principales de la dermatillomanie : l’obsession de l’état de la peau, l’utilisation d’outils pour s’excorier, les comportements de triturage, de grattage et de vérification, la dimension bien souvent inconsciente des comportements ainsi que la difficulté à cesser ces comportements bien qu’ils soient nocifs pour la personne.
Caractéristiques du comportement
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Conséquences de la dermatillomanie
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Critères diagnostiques :
La cinquième version du Manuel Diagnostic et Statistique des troubles mentaux (DSM 5) de l’American Psychiatric Association (APA) parue en 2013 reconnait enfin la dermatillomanie comme un trouble psychique à part entière.
A. Triturage répété de la peau aboutissant à des lésions cutanées
B. Tentatives répétées pour diminuer ou arrêter le triturage de la peau
C. Le triturage de la peau entraîne une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants
D. Le triturage de la peau n'est pas imputable aux effets physiologiques d'une substance (p. ex. la cocaïne) ou d'une autre affection médicale (p. ex. la gale)
E. Le triturage de la peau n'est pas mieux expliqué par des symptômes d'un autre trouble mental (p. ex. idées délirantes ou hallucinations tactiles dans un trouble psychotique, tentatives d'atténuer un défaut ou une imperfection perçus dans l'obsession, d'une dysmorphie corporelle, stéréotypies dans les mouvements stéréotypés ou intention de se faire du mal dans les lésions auto-infligées suicidaires).
Le DSM 5 propose de catégoriser la dermatillomanie comme un « autre trouble obsessionnel-compulsif ou apparenté spécifié » du fait des rituels d'excoriation auxquels les personnes tentent de résister (compulsion) ainsi que les obsessions concernant l'irrégularité de leur peau.L'excoriation consciente serait alors en réponse à ces pensées.
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Cependant, la dermatillomanie a également de nombreux points communs avec les addictions : comportements compulsifs ou répétitifs malgré les conséquences négatives, perte de contrôle concernant le problème, craving en l’absence de comportement et plaisir éprouvé pendant les comportements.
Par ailleurs, la dermatillomanie pourrait être considérée comme un symptôme du trouble de la dysphorie corporelle. En effet, l’objectif des excoriations est d’améliorer l’état de la peau en la rendant plus lisse ou en enlevant de petites imperfections. Pourtant, les conséquences de ce comportement sont la perte de temps et la perte de contrôle qui entraine souvent des lésions et un focus élevé sur les imperfections perçues.
La dermatillomanie pourrait appartenir parallèlement à la catégorie des comportements répétitifs centrés sur le corps (CRCC) qui ne sont pas toujours pathologiques. Il existe différentes formes qui vont de la production du comportement de manière ponctuelle pour des raisons esthétiques à une répétition pathologique entraînant d’importantes conséquences physiques et psychosociales dans les cas les plus sévères. Ainsi, l’arrachage des cheveux (trichotillomanie) ou encore le fait de se ronger les ongles (onychophagie), tout comme les excoriations, sont des gestes répétitifs d’auto-toilettage qui sont caractérisés par un échec d’inhibition des comportements et d’interruption des comportements une fois initiés.
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La dermatillomanie pourrait être un trouble du contrôle des impulsions puisque la plupart des personnes souffrant de dermatillomanie se retrouvent en train de s'excorier de manière automatique et ressentent une tension grandissante avant le comportement puis un soulagement ou du plaisir immédiatement après l'excoriation.
Caractéristiques du comportement :
Les comportements d’excoriation peuvent être très différents selon les individus et les périodes. Les manifestations de la dermatillomanie peuvent aller de multiples épisodes brefs à des épisodes moins fréquents mais durant plusieurs heures. La durée des épisodes peut alors varier de 5 minutes à 12h par jour. Souvent, les excoriations les plus sévères ont lieu le soir entre 20h et minuit et la majorité des personnes souffrant de dermatillomanie passent en moyenne 3 heures par jour à excorier leur peau.
Les excoriations sont régulièrement rencontrées dans des zones du corps facilement atteignables. Elles peuvent être multiples et variées : le visage est la zone la plus courante mais il peut également y avoir des excoriations sur les autres régions du corps comme les membres supérieurs et inférieurs, le dos, le buste, les régions intimes ou encore le cuir chevelu.
Les excoriations peuvent être faites suite à des lésions de la peau comme l'acné, les cicatrices, les piqûres d'insectes, les croûtes, les callosités et autres boutons. Elles peuvent également apparaître en réponse à la présence d'une brûlure, d'une sécheresse, d'un picotement ou d'une douleur. Cependant, les comportements apparaissent bien souvent en dépit de toute sensation préalable sur une peau saine ou ayant des irrégularités mineures.
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La plupart des personnes souffrant de dermatillomanie s’excorient avec leur ongles et leurs doigts mais ils peuvent également utiliser leurs dents et d'autres instruments (pince à épiler, lime à ongle, épingle, couteau, …).
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En dehors des excoriations elles-mêmes, le trouble peut s’accompagner d’une série de gestes ou rituels touchant à la peau ou à des cicatrices. Certains personnes peuvent se mettre à la recherche de croutes à ôter, les examiner, jouer avec, mâcher ou avaler la peau après l’avoir détachée.
Bien souvent, les excoriations ne surviennent pas en présence d’autres personnes, à l’exception des membres de la famille proche et il arrive à certain de triturer la peau des autres.
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Rythme d’une crise :
La dermatillomanie peut être précédée de différents états émotionnels comme la tension, le stress, l’anxiété, l’ennui, la fatigue ou encore la colère. Les activités sédentaires (regarder la télévision, lire, être dans son lit, ...) ainsi que la vue et/ou la sensation d’une irrégularité sur la peau favorisent elles aussi les excoriations. Le fait de résister au besoin pressant de s’excorier peut augmenter la tension ressentie, de même que l’impossibilité de s'arrêter tant que les choses ne sont pas "correctes" au niveau de la peau.
Durant les excoriations, les personnes peuvent ressentir des émotions telles que le plaisir ou le soulagement lorsque la peau est retirée. Certains individus s’excorient dans un contexte précis, après un événement stressant par exemple, tandis que d’autres s’y engagent de manière plus automatique, sans en avoir pleinement conscience.
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Conséquences de la dermatillomanie :
De façon immédiate tout d’abord, la dermatillomanie peut entraîner des complications médicales comme le fait de saigner, de présenter des cicatrices, de larges plaies, des ulcères, des infections ou encore des décolorations permanentes de la peau. A plus long terme, certaines lésions peuvent nécessiter un traitement antibiotique contre une infection et même une intervention chirurgicale en cas de lésions plus importantes.
Au niveau personnel, les personnes souffrant de dermatillomanie évitent ou restreignent les activités qui pourraient exposer les lésions sur leur peau comme les activités sportives ou de loisirs ou encore les relations sexuelles. En cas de sortie, les personnes adoptent bien souvent des comportements de camouflage de leur lésion. Ainsi, 84% des personnes souffrant de dermatillomanie utilisent du maquillage et 81% des vêtements ou des accessoires.
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Ces comportements d’excoriations peuvent également entraîner un isolement social et une difficulté à aborder le sujet avec leurs proches ou leur médecin. Les personnes souffrant de dermatillomanie se sentent souvent incomprises.
Sur le plan professionnel et scolaire, les personnes rapportent des absences ou retards au travail dus au fait que les excoriations aient lieux durant plusieurs heures par jours.
Sur le plan émotionnel, il semble qu’immédiatement après les comportements d’excoriation, des sentiments de culpabilité, de honte et de tristesse surgissent. Ces émotions négatives perdurent du fait de la dermatillomanie en général.
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Troubles associés :
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La dermatillomanie peut être associée à d'autres troubles tels que la dépression, la bipolarité, l'anxiété, les TOC, l'addiction ou encore la dismorphie corporelle et les troubles du comportement alimentaire.
Causes de la dermatillomanie :
Il semblerait que l’origine de la dermatillomanie ait une explication en partie héréditaire avec la présence du trouble de façon plus importante au sein de l’entourage familial (19% à 45% des patients ont au moins un membre de leur famille ayant une dermatillomanie).
Concernant les explications génétiques, des recherches ont envisagé le rôle de certains gènes (Hoxb8 et SAPAP3) dans l’apparition de comportements d’excoriation chez des personnes ayant reçu un diagnostic de dermatillomanie.
Au niveau neurologique, des études confirment une hypoactivation de certaines zones du cerveau qui sont habituellement sollicitées lors des tâches de planification. Il y aurait également un déficit cognitif au niveau de l’inhibition de certains comportements, l'interruption des comportements une fois initiés ainsi que la flexibilité mentale.
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Ces explications ne suffisent pas et il est important de prendre en compte l'environnement de la personnes souffrant de dermatillomanie : un manque de stimulation dans l’environnement pourrait expliquer l’apparition d'excoriations, déclenchées par un sentiment d’ennui.
Les comportements d’excoriation pourraient avoir une fonction auto-apaisante qui permettrait de mieux contrôler les émotions négatives mais aussi les pensées de type rumination puisque les excoriations entraînent un état quasi hypnotique, de semi-conscience où le sujet perd la notion de la réalité dans laquelle il se trouve. Les excoriations pourraient ainsi être des comportements renforcés par un rituel permettant de diminuer rapidement l’anxiété et procurant une sensation de soulagement et de plaisir.
La présence d’événements de vie stressants dans l’histoire des personnes souffrant de dermatillomanie peut également expliquer l'apparition du trouble : 80% des patients lient l’apparition du trouble à des problèmes personnels dont 40% à 50% auraient vécu des abus, sexuels ou non, dans l’enfance. La dermatillomanie viendrait alors comme un comportement visant à effacer ce qui est ressenti comme de la « saleté » et à se rendre moins attractif et d’éviter ainsi de nouveaux abus potentiels. D’autres événements de vie négatifs comme des conflits parentaux ou des décès de personnes proches ou encore une grossesse non désirée seraient également considérés comme des événements de l’enfance pouvant déclencher une dermatillomanie.
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Enfin, les explications psychologiques peuvent apporter des pistes de compréhension. La présence de pensées erronées comme la généralisation, l’omission d’information du monde extérieur ou encore la distorsion pourrait justifier les excoriations puisque les personnes sont convaincues qu’en retirant les imperfections, cela accélèrera leur guérison, ce qui est contraire à la logique dermatologique. En effet, une plaie ouverte a davantage de risque de s’infecter et l’idéal est de ne pas toucher aux imperfections.
Dans la dermatillomanie, les patients auraient donc connaissance de ces précautions mais ne pourraient s’empêcher de penser qu’ils améliorent l’état de leur peau en s’excoriant. Cela nous laisse penser que les patients souffrant de dermatillomanie présenteraient une sorte de « pensée magique ».
La dermatillomanie pourrait aussi être liée à des troubles de la régulation et de la réactivité émotionnelle en lien avec une éducation parentale trop autoritaire et méticuleuse qui empêcherait les enfants d’apprendre à gérer leur stress. Le profil de parents de personnes souffrant de dermatillomanie serait une mère exigeante et focalisée sur l’apparence de son enfant tandis que le père serait quasiment absent. La dermatillomanie viendrait alors pallier à une carence dans la gestion des émotions en produisant des comportements dont l’objectif est une réduction des effets des ressentis ou des événements négatifs et la production d’un sentiment de soulagement.
D’une façon plus générale, les personnes souffrant de dermatillomanie auraient tendance à être perfectionnistes mais aussi très sensibles, notamment dans des situations de perte de l'approbation, d’un statut acquis, ou de l'amour, du fait de sentiments très forts d’insécurité, d’infériorité, d’indignité et d’incapacité. Ainsi, les personnes souffrant de dermatillomanie présenteraient souvent un évitement du danger important avec des inquiétudes et une tendance au pessimisme mais aussi une dépendance élevée à la récompense entraînant une sociabilité accrue. Les sentiments de frustration, d’abandon et de manque affectif, très prégnants chez eux, pourraient eux aussi expliquer l’apparition d’une dermatillomanie.
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Thérapies Dermatillomanie France:
Au sein de Dermatillomanie France, l'ensemble des thérapeutes ont été formés par la spécialiste de la dermatillomanie en France, Alexandra Rivière-Lecart. Voici notre démarche :
"- Bilan :
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Premier rendez-vous de prise de contact et d’évaluation
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Bilan complet sur la dermatillomanie
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Entretien clinique
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Passation de tests et questionnaires
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Diagnostic, évaluation du niveau de dermatillomanie et proposition de prise en charge adaptée et personnalisée
- Modules thérapeutiques :
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Thérapie cognitive et comportementale (TCC) afin d’effectuer de la restructuration cognitive des pensées invalidantes et dysfonctionnelles, d’effectuer des exercices comportementaux (exposition avec prévention de la réponse) consistant à apprendre progressivement à se déconditionner des gestes culpabilisants et à en faire d’autres plus rationnels et moins automatiques. Dans son traitement de la dermatillomanie, la TCC consiste en plusieurs approches thérapeutiques : la Technique de Renversement d’une Habitude, la Thérapie Comportementale Globale, la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement et la Théorie comportementale dialectique (pour en savoir plus, voir la page Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)).
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Thérapie analytique afin de faire un travail sur les causes des impulsions, les affects réprimés et refoulés, mettre du sens sur la signification du symptôme, ce qu’il exprime, son rôle (symptôme utilitaire), afin d’éviter des déplacements de symptômes par la suite (Pourquoi je me triture le visage ? De quoi ai-je besoin d’être soulagé ? De quoi je culpabilise pour m’infliger un trouble auto-agressif ? Quels sont mes conflits intérieurs ? Ai-je des tabous/non-dits refoulées sous ma peau ? Quel image parfaite suis-je en train de viser et pourquoi ? )
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Travail sur l’estime de soi, l’image de soi et l’image corporelle afin de réévaluer et corriger les jugements négatifs et distorsions cognitives que les dermatillomanes ont de leur propre image, ainsi que pour assouplir les visions perfectionnistes, rigides et aussi dévalorisantes d’eux-mêmes.
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Travail sur la gestion des émotions afin d’identifier et nommer ses émotions, identifier quels obstacles empêchent de les changer, réduire la vulnérabilité vis-à-vis de celles-ci, accroître le nombre d’évènements émotivement positifs, accroître la prise de conscience des émotions actuelles (honte de soi, colère rentrée, culpabilité, rejet, dégoût…), agir de manière opposée ainsi que ressentir des expériences psychologiques inconfortables sans leur donner suite en posant des gestes.
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Thérapie existentielle afin de connaître les valeurs et attentes existentielles de la personne ainsi que ses peurs, ses doutes et les questions qu’elle se pose sur elle-même, les autres et le monde, et qui peuvent être à l’origine du trouble (Quelle est ma propre définition du bonheur ? Dans la vie, qu’est ce que je cherche ? La mort me fait-elle peur ?
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Nous nous réunissons régulièrement autour d'un groupe d'étude sur la dermatillomanie afin d'améliorer la reconnaissance du trouble et les prises en charge à travers l’échange de pratiques. Nous avons décidé de travailler sur divers axes:
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Informer le public et les professionnels de santé sur le trouble de dermatillomanie afin de le détecter de façon précoce, de favoriser sa compréhension et les adaptations qu’il nécessite parfois.
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Initier, soutenir ou participer à toute action et recherche pouvant contribuer à une meilleure prise en charge.
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Sensibiliser et informer les professionnels au contact de ce trouble.
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